ANM - Association nationale des médiateurs


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Au Kirghizistan, la démocratie terreau de la médiation

20 novembre 2020

L'article ci-dessous a été écrit avant le 4 octobre 2020, jour de la prise de pouvoir anticonstitutionnelle de l'actuel président, survenue à la suite d'élections entachées d'irrégularités, ce qui montre la fragilité de la démocratie. Toutefois, la société civile demeure dynamique, de sorte que l'espoir est permis.

La médiation se développe dans le seul pays démocratique de l'ex-Union soviétique en Asie centrale, ce qui tend à montrer une corrélation entre un régime politique qui entend promouvoir l'égalité et donner le pouvoir aux citoyens d'une part et la médiation d'autre part, mode de résolution des conflits qui vise à travailler dans une logique horizontale et à redonner aux participants le contrôle de leur histoire et de leurs relations dans une perspective de restauration du lien social.

Claire Reeves-Bugnion, qui aide à titre bénévole depuis quinze ans une organisation non gouvernementale au Kirghizistan, fait découvrir aux lecteurs de la Lettre de l'ANM le rôle que peut jouer la médiation dans un pays meurtri par des conflits intercommunautaires entre Kirghizes et Ouzbeks, conflits qui avaient fait près de 500 morts en 2010, la plupart dans la communauté ouzbèke.

Située en Asie centrale, la République du Kirghizistan est un ancien Etat de l'Union Soviétique, un Etat laïc comptant 6.3 millions d'habitants et la seule démocratie dans cette région.  Elle se tient au 122e rang sur 190 de l'index de développement des Nations Unies.  (Sur la carte, en bleu au sud du Kazakhstan)

Dialogues

L'organisation non-gouvernementale Erayim, www.erayim.org, a été fondée par des femmes qualifiées courageuses pour surmonter les grandes privations causées par l'effondrement de l'Union soviétique dans les années quatre-vingt-dix. DialoguesL'organisation développe la formation de petits groupes d'entraide mutuelle (Self Help Groups) dans les régions les plus pauvres du pays, qu'elles soient urbaines ou rurales. On en compte maintenant environ 500 qui se gèrent de façon démocratique, économisant leurs maigres ressources en commun pour des projets de développement économique, social, éducatif ou culturel dans leurs communautés, souvent par la méthode du micro-crédit. Leur mission est de lutter contre la pauvreté, d'atténuer les conflits interethniques, de développer les talents de la nouvelle génération, d'améliorer les infrastructures et de de promouvoir les intérêts des communautés vivant dans les quartiers pauvres.

Dans le sud du Kirghizistan vivent côte à côte des citoyens kirghizes de cultures différentes, soit ouzbèke soit kirghize et même tadjike ou russe. Leur voisinage est le plus souvent amical, il y a toujours eu de nombreux intermariages. Cette pratique persiste de nos jours, quoiqu'elle soit devenue moins fréquente. Le conflit de 2010 lui-même est jugé au pays et sur la scène internationale comme une recrudescence de conflits irrésolus et beaucoup plus graves liés aux bouleversements politiques des années 1980-90, ainsi qu'aux déséquilibres socio-économiques, linguistiques, juridiques et de pouvoir dans l'état kirghize. Des inégalités socio-économiques peuvent rapidement prendre l'aspect de conflits ethniques quand des politiciens démagogues avides de pouvoir s'en emparent.

Pour en savoir plus, on peut se référer à l'article suivant

Sitôt après les violences du printemps de 2010, l'ONG Erayim a mobilisé ses groupes d'entraide pour apaiser les tensions. En quelques jours, l'organisation a trouvé des fonds suisses et allemands pour créer des cantines d'urgence pour 200 enfants sinistrés des divers groupes ethniques. Les parents hésitaient, craignaient les revanches, mais les enfants jouaient amicalement ensemble après les repas. Les deux cuisinières dont la tenue révélait leurs origines différentes continuaient de coopérer joyeusement autour de leurs grands chaudrons derrière l'école ravagée par l'incendie. Les parents se sont mis à discuter entre eux. Plus tard, Erayim fournit des livres scolaires et des uniformes, mais surtout des séances de thérapie pour les familles en détresse. Grâce à des fonds allemands encore, Erayim a pu former des écoliers adolescents à diffuser une radio scolaire inter-ethnique. Un groupe de pères d'ethnies diverses s'apprêta à créer un parc de jeux ouvert à tous. Les femmes ont rouvert leurs ateliers de couture en commun où les gens s'exprimaient dans les deux langues, d'ailleurs apparentées.

Dialogues

C'est sur la base de ces expériences de réconciliation qu'Erayim a commencé de développer la formation de médiateurs, d'abord auprès de sa propre équipe puis parmi ses groupes d'entraide dans le sud du pays particulièrement touchés par les difficultés de coexistence des communautés kirghize et ouzbèke. Deux cours de base de six jours ont eu lieu en février 2020 dans deux localités différentes auprès de 24 membres, dont un homme, sélectionnés parmi les groupes d'entraide. On en comptait 13 de culture kirghize, 6 de culture ouzbèke, 4 de culture turkmène et un Ouïghour. Les cours ont été dispensés par une spécialiste du Centre National de Médiation du Kirghizistan, Gulsina KOZHOYAROVA (photo ci-dessous).

Dialogues

Le cours comportait les éléments suivants :

  • Introduction à la médiation
  • Capacité du médiateur à favoriser la résolution des conflits
  • Capacité de communication du médiateur
  • Compétences émotionnelles du médiateur
  • Processus de médiation
  • Connaissances juridiques du médiateur.

Les notions théoriques étaient renforcées par des jeux de rôle et des exercices pratiques portant sur les thèmes suivants :

  • les fondements de la médiation,
  • la médiation familiale
  • et la médiation communautaire.

A la fin du cours les participants se sont soumis à un examen et ont reçu un certificat.

Dialogues

Jeu de rôle. Notez les expressions d'empathie des trois observatrices.

Parmi les participants, 12 d'entre eux, vont poursuivre leur formation et en former d'autres, jusqu'à 170 bénévoles dans 6 municipalités. Ces volontaires font partie des traditionnels Conseils des Anciens ou de groupes de femmes; ils sont des travailleurs sociaux, des sous-directeurs d'école ou des psychologues scolaires. Tous sont ancrés dans leurs communautés et désireux d'y faciliter la résolution des conflits qui peuvent s'y présenter. Afin d'informer la population sur les spécificités et la base juridique des méthodes de médiation, 3400 brochures et calendriers, 20.000 autocollants en langues kirghize et ouzbèke vont être distribués, ainsi que deux clips vidéos vont être disponibles sur les réseaux sociaux.

Ce projet est financé par l'organisation caritative allemande « Brot für die Welt » dans le cadre d'un grand programme intitulé « Introduction d'une combinaison d'approches traditionnelles et modernes pour la prévention de conflits dans le sud du Kirghizistan »

Les cours de base devaient être suivis en mars-avril 2020 de cycles ultérieurs de formation centrés spécialement sur la médiation familiale, ainsi que sur les relations entre les communautés kirghize et ouzbèke, mais ils ont dû être repoussés à cause de la pandémie.

Les cas présentés dans les cours de base, fondés sur des cas réels, se rapportaient aux thèmes suivants :

  • Partage de biens matrimoniaux
  • Conflit d'intérêts commerciaux et juridiques
  • Pension alimentaire des enfants

Vous reconnaissez sans doute ces sources de conflit ! Elles sont universelles. Mais elles peuvent prendre des couleurs variées dans des cultures diverses comme le montrent les exemples esquissés ci-dessous :

Cas no 1 :

Rouslan et Elmira ont décidé de divorcer. Ils ne s'aiment pas. Ils ne se sont mariés que pour faire plaisir à leurs parents qui étaient des amis. Rouslan voudrait récupérer l'appartement conjugal. Pourquoi est-ce qu'Elmira ne veut pas retourner vivre chez ses parents conformément à la tradition nationale ? Il faudra surmonter des sentiments de jalousie, de trahison par l'infidélité et des questions de biens matrimoniaux à partager. Vengeances ? Punitions mutuelles ? Autres attachements sentimentaux à révéler ? Il y aura beaucoup à clarifier parmi les sentiments douloureux des deux parties.

Cas no 2 :

Le parking commercial de Bakyt jouxte le garage d'Ulan. Une nuit, l'un des mécaniciens pénètre dans le garage à l'insu du propriétaire et se met à faire de la soudure. Malheur ! le garage prend feu, l'incendie se propage dans le parking voisin et cause d'importants dégâts à la voiture d'un locataire, Monsieur K. Les pompiers essaient de la dégager mais elle résiste car c'est une voiture à commandes automatiques. On casse les vitres pour y accéder. Le tribunal ordonnera au propriétaire du parking de payer les frais de réparation de la voiture sinistrée. Cela ne lui semble pas juste puisque c'est le garagiste qui est responsable de l'incendie. Il exige qu'il lui rembourse la compensation déjà payée à Monsieur K.

Une écoute attentive des faits révèle des négligences de part et d'autre : le garagiste avait plusieurs fois rappelé au propriétaire du parking de ne pas parquer de voiture sous l'avant-toit du garage ; en hiver les glaçons du toit pourraient tomber sur les voitures et les abîmer. D'autre part, le propriétaire du parking demande comment le mécanicien responsable de l'incendie a eu accès au garage de nuit malgré le gardien du lieu ? Un long travail de médiation est nécessaire. L'intérêt commun des deux propriétaires et leurs réputations ne seraient-ils pas mieux servis s'ils pouvaient continuer leur coopération et préserver leurs entreprises ? Tous deux n'ont-ils pas affaire à la même clientèle ?

Cas no 3 :

Alicher et Malika divorcèrent peu après que Malika eut donné naissance à leur fille. Elle dut retourner vivre chez ses parents et fit poursuivre son ancien mari au tribunal pour obtenir de lui une pension alimentaire. La cour le condamna à payer une pension alimentaire, ainsi que les arriérés. Faute de revenus, Alicher n'exécuta pas le jugement pendant deux ans malgré les injonctions de payer de l'huissier de justice. Il allait devoir comparaître à nouveau devant le tribunal pour délit de non-paiement de la pension alimentaire. Mais Malika demanda conseil à l'avocate régionale de l'ONG Erayim, la juriste Gulnara TACHIEVA, qui suggéra l'alternative d'une médiation. Il était dans l'intérêt d'Alicher de ne plus avoir à comparaître devant un tribunal. Pour restaurer son honneur, Alicher accepta la médiation.

Dialogues

A la suite de discussions constructives, Alicher fut d'accord de payer la pension alimentaire, ainsi que les arriérés, qui s'élevaient maintenant à 620 euros. Il trouva une position comme gardien de troupeau dans la région ; il y travailla pendant une année. Il gagna les moyens d'acheter à son employeur une vache qu'il avait l'intention de donner à Malika en compensation. La photographie montre le moment où la vache fut amenée au tribunal pour qu'on puisse en estimer la valeur. Bien que celle-ci ne fût que de 427 euros, Malika accepta cette solution à laquelle le couple était parvenu grâce à une médiation. L'affaire put être classée.Dialogues

Le paysage culturel est différent de ce à quoi nous sommes accoutumés, mais dans tous ces cas, la méthode ressemble à celle que nous pratiquons. Nous pouvons en glaner quelques exemples en regardant les photos des affiches apposées dans la classe d'étude.

 

 

 

Les photos nous parlent :

Dialogues

Le jeune homme traite de médiation familiale. L'affiche annonce :

  • Ne pas utiliser le conflit
  • Ne pas réagir au conflit
  • Favoriser la bonne volonté
  • (en rouge:) Le conflit engendre le conflit

La route comme symbole du processus de médiation.

  • Le mot ГНЕВ, colère, apparaît sur une autre affiche ainsi que 

« LES TROIS QUESTIONS EN OR DU MEDIATEUR » :

1. QU'EST-CE QUI EST LE PLUS IMPORTANT POUR VOUS ?
2. QU'EST-CE QUE CELA SIGNIFIE ?
3. POURQUOI EST-CE IMPORTANT ?

Dialogues

Un groupe de femmes assises en fer à cheval, très attentives à ce que dit l'une d'entre elles. Il fait froid en février en Asie Centrale, même à l'intérieur !

Le processus de médiation

Le cours de base distingue deux phases dans le processus de médiation : une phase préparatoire comprenant les entretiens préalables et la rencontre de médiation elle-même.

Selon la législation kirghize, la première phase est une réunion d'information pour les deux parties ; le conflit peut-il être potentiellement résolu par la médiation ? Les médiateurs rencontrent les parties séparément, les écoutent, établissent un diagnostic du conflit à l'aide de l'échelle des conflits de Friedrich Glasl* et d'une analyse des positions, des intérêts et des besoins, selon le modèle de la négociation raisonnée d'Ury et Fischer. Les médiateurs évaluent si le cas se prête à la médiation. Les deux parties décident alors si elles veulent poursuivre le processus ou non.

Si les deux parties sont d'accord, la rencontre de médiation peut avoir lieu :

  • Introduction (salutation, accueil des participants, présentation du processus) ;
  • Recherche des intérêts et des besoins des deux parties ;
  • Recherche de solutions alternatives (instruments : une image idéale, « brainstorming », réalisme des solutions proposées) ;
  • Préparation d'un projet d'accord ; si l'accord satisfait toutes les parties, signature de l'accord.

Dialogues

Le groupe des participants montrant leurs certificats. Tous les âges sont représentés. Au Kirghizistan les femmes se sentent libres de porter le foulard ou non. L'homme assis est le directeur de la branche d'Och du Centre National de Médiation, Avazbek Chamchievitch CHAMCHIEV.)

Les fonctions et les activités des deux associations décrites ci-dessous sont complémentaires :

Information sur la Communauté républicaine des Médiateurs

La Communauté républicaine des médiateurs de la République Kirghize est une organisation professionnelle autorégulée de médiateurs. Elle a été créée en 2018 sur la base de la loi sur les médiateurs.

Elle accrédite les médiateurs, fait des propositions pour améliorer la législation sur la médiation et travaille avec les organismes gouvernementaux pour développer l'institution de la médiation.

La médiation familiale, commerciale et réparatrice se développe en République kirghize.

A ce jour 220 personnes ont reçu le certificat de statut de médiateur. Les citoyens peuvent choisir un médiateur inscrit au registre national des médiateurs, qui est disponible sur le site www.mediator.kg avec des informations en kirghize et en russe.

Information sur le Centre National des Médiateurs

L'association publique « Centre National de Médiation » a été créée en 2012. Gulsina KOZHOYAROVA, juriste, co-fondatrice et formatrice, en est l'inspiratrice.

La mission de l'organisation est de développer la médiation en fournissant une assistance à la médiation et en formant des médiateurs.

Le Centre National de Médiation dispose d'une structure de gestion transparente sous la forme d'une assemblée générale des membres, d'un conseil de surveillance, d'un directeur et d'une commission d‘évaluation.

Les antennes existantes dans tout le pays, où travaillent plus de 45 médiateurs, permettent à tous les citoyens d'avoir accès à la médiation.

L'œuvre a été construite en coopération avec les tribunaux, les autorités locales et la police. Plusieurs projets comportant un volet de formation et d'information ont été mis en œuvre avec eux. Ainsi plus de 300 personnes ont reçu une formation sur la communication, les conflits et les négociations. Des juges formés et des spécialistes des collectivités locales envoient les citoyens à une réunion d'information avec un médiateur. Plus de 2000 personnes ont participé à ces consultations et la moitié ont résolu leur conflit par la médiation.

Plus de 400 personnes ont été formées au cours de base de la médiation.

Actuellement la directrice de l'organisation est Anara KARIMBEKOVA.

Claire Reeves-Bugnion, fondatrice de l'organisation Erayim Aid Trust UK (https://www.erayim-aid-trust.uk)

Article rédigé sur la base d'informations fournies en russe par Gulsina KOZHOYAROVA, co-fondatrice du Centre National des Médiateurs (Kirghizistan), par Mamatkazy KAPAROV, juriste de l'ONG Erayim et par Altynaï SABYRBEKOVA, économiste responsable de l'agence de micro-crédit de l'ONG, Erayim-Bereke.

* Echelle de Glasl

Dialogues

 

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  • MEDIATION DE LA CONSOMMATION : Son droit et sa conduite par Catherine LELOUCH-KAMMOUN, Danièle AGUANNO-PROMONET et Georges POTRIQUET. -> Consulter le programme.


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  • INITIATION A LA MEDIATION A L'USAGE DES PROFESSIONNELS DE JUSTICE (Magistrats - Greffiers - Avocats -Huissiers - Experts) par Nicole BERNARD, Catherine EMMANUEL, Didier MORFOISSE, Gabrielle PLANÈS et Laure SINGLA.

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Lettre d'information bimensuelle de l'ANM n°111

6 avril 2024
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Actualités

Référentiel de sélection des médiateurs à l'usage des juridictions administratives

Souhaitant s'assurer des qualités professionnelles des médiateurs désignés par les juridictions administratives, le Conseil d'Etat a réuni un groupe de travail pour réfléchir aux critères de sélection des médiateurs intervenant dans les litiges publics.

L'ANM a été représentée au sein de ce groupe de réflexion par Bertrand Maréchaux et Elsa Costa.

Trois orientations ont été retenues:

  • Le médiateur administratif doit avoir reçu une formation à la médiation. Le Conseil d'État dresse une liste non exhaustive des principales formations à la médiation.
  • Le médiateur administratif doit avoir une connaissance ou, du moins, être familier des spécificités du contentieux administratif. Cela implique une expérience en matière administrative ou une formation complémentaire de spécialisation.
  • Les magistrats prescripteurs de médiations restent maîtres de leurs choix et peuvent aussi bien désigner des personnes physiques que des personnes morales même s'ils sont encouragés à privilégier le médiateur "personne morale".

29 novembre 2022

Médiateur mis en place dans l'entreprise? Intérêt, enjeux et modalités de la médiation, par Valerie LASSERRE

28 novembre 2022

«La France est-elle une puissance médiatrice ?»

Par Tribune collective
Publié le 11/11/2022 à 11:11

FIGAROVOX/TRIBUNE - L'ambition affichée par le président de la République de faire de notre pays une «puissance médiatrice» se heurte à la conception très verticale de la diplomatie française, estiment les signataires de ce texte collectif, parmi lesquels le député Frédéric Petit, d'anciens ambassadeurs et diplomates.

En août 2018, le président français Emmanuel Macron évoquait devant les ambassadeurs de France réunis à Paris, son ambition de faire de la France «une puissance médiatrice». En France, les affaires du monde sont traditionnellement une prérogative de l'État et une fonction régalienne, voire un domaine réservé du président. Vus depuis Paris, les conflits se règlent essentiellement par la diplomatie et la coopération internationale. Dans cette conception/tradition, très verticale, il ne reste guère de place pour d'autres formes de médiation impulsées par les acteurs non étatiques de la résolution des conflits. Pourtant, dans un contexte international caractérisé par la multiplicité et la diversité des acteurs, la diplomatie de la paix gagnerait à ne plus être la seule exclusivité des États.

Les ONG de médiation mènent ce travail de facilitation des discussions à l'heure même où les diplomaties étatiques n'ont plus toujours, seules, la capacité de le faire, et que les organisations multilatérales montrent leurs limites.
Les signataires

Il est vrai que les conflits ont profondément évolué depuis ces vingt dernières années : insurrections djihadistes, guerre contre le terrorisme, conflits asymétriques, guerre informationnelle, retour de la guerre de haute intensité en Europe. Rares sont les périodes de l'histoire ayant connu une telle variété et complexité de conflits. Ces nouvelles conflictualités impliquent également de nouveaux acteurs. Il s'agit autant de ceux qui tiennent les armes que celles et ceux qui les subissent : communautés, groupes armés djihadistes, sociétés militaires privées, populations civiles, etc. L'irruption de ces acteurs non étatiques ne change pas seulement le visage de la guerre mais bouleverse la nature même des conflits et contribue surtout à déstabiliser profondément les sociétés.

Ces bouleversements de la guerre et de ses acteurs ont fait également émerger depuis une vingtaine d'années de nouveaux modes de résolution des conflits et de faiseurs de paix : la médiation, portée par des personnalités et des ONG.

La majorité des ONG de résolution des conflits intervient au niveau communautaire, en facilitant des réconciliations locales. Un nombre plus réduit d'ONG intervient à des niveaux plus politiques. Elles facilitent des accords entre groupes armés et gouvernements, entre mouvements d'opposition et pouvoir en place, etc. Les ONG de médiation mènent ce travail de facilitation des discussions à l'heure même où les diplomaties étatiques n'ont plus toujours, seules, la capacité de le faire, et que les organisations multilatérales montrent leurs limites.

Les ONG sont légitimes et utiles, alors même que les Nations unies sont contraintes à un certain immobilisme, prises dans les feux croisés des membres du Conseil de sécurité.
Les signataires

Les ONG de médiation sont toutefois suspectées de mener une diplomatie privée pour le compte d'intérêts politiques ou économiques cachés. Cette suspicion, liée à leur nécessaire indépendance, est particulièrement développée en France où l'intérêt du pays ne saurait être défendu par d'autres que des agents de l'État. Pourtant, les ONG de médiation sont principalement financées par des États qui ont fait de la paix et de la médiation une stratégie internationale et une marque de fabrique de leur diplomatie : Norvège, Suisse, Suède, Union européenne, etc. Ces diplomaties intègrent les actions menées par ces acteurs non étatiques, indépendants, transparents, aux méthodologies efficaces et basée sur une déontologie claire. Récipiendaires de financements publics, ces ONG rendent des comptes et sont astreints à des audits et des évaluations tout en défendant l'indépendance de leur action.

Elles ne font en réalité que mettre en pratique «l'obligation de règlement pacifique» prévue au chapitre 6 de la Charte des Nations unies, à l'instar des ONG des droits humains ou de développement qui se réfèrent aux droits universellement reconnus. Quel être humain devrait être privé de son droit à la paix ? Les ONG sont légitimes et utiles, alors même que les Nations unies sont contraintes à un certain immobilisme, prises dans les feux croisés des membres du Conseil de sécurité. Les diplomates eux-mêmes ne peuvent plus se déplacer librement en raison de l'insécurité. Dans ces circonstances, qui peut encore aller à la rencontre des membres des groupes armés et des acteurs de l'instabilité souvent considérés comme infréquentables ? Qui peut encore convier autour de la table tous les acteurs d'une crise, si ce ne sont les tiers indépendants que sont les médiateurs et les médiatrices des ONG ?

De nombreux États européens ont déjà amorcé cette approche consistant à intégrer les ONG de médiation dans leurs stratégies d'action en faveur de la paix. En France, l'intégration des acteurs non étatiques de résolution des conflits en reste pour l'heure à ses prémices. Ils agissent le plus souvent, à l'instar des organismes humanitaires, comme des prestataires de services aux populations confrontées aux crises.

Il est temps de structurer une capacité française de médiation autour de partenariats dynamiques entre diplomatie, ONG de médiation, élus et acteurs des sociétés civiles.
Les signataires

La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et certains acteurs tentent de faire de «l'équipe France» une réalité sur le terrain. Toutefois, la marge de progression demeure immense. Ainsi, la diplomatie parlementaire peut constituer une force qui demeure embryonnaire et trop souvent limitée à des initiatives individuelles. Les parlementaires à l'instar des ONG ou de la coopération décentralisée, pourraient constituer des acteurs importants et influents du soft power français, forts de leur légitimité, expertise, et des liens de confiance noués loin des relations de pouvoir, souvent dans la longue durée.

Il est temps de structurer une capacité française de médiation autour de partenariats dynamiques entre diplomatie, ONG de médiation, élus et acteurs des sociétés civiles. Cela permettrait de constituer des pôles de réflexion, d'outils et d'acteurs qui puissent s'articuler ensemble et se coordonner plutôt que de s'opposer ou de s'ignorer. Ensemble, ils pourraient offrir une autre image de notre pays, lorsque la France est sollicitée ou en capacité d'agir. Plus qu'une puissance médiatrice, elle démontrerait une capacité à écouter, à accompagner et à soutenir l'autonomisation des acteurs et leur volonté de se responsabiliser. La France serait peut-être dès lors moins dans l'affirmation de sa puissance mais serait sans aucun doute mieux acceptée et bienvenue.

Signataires :
Gabrielle Planès, médiatrice, présidente de Promediation et de l'Institut de la médiation dans l'espace francophone (IMEF), Présidente d'Honneur de l'Association nationale des médiateurs (ANM)
Frédéric Petit, député MoDem des Français de l'étranger de la VIIe circonscription
Pierre Béliveau, Médiateur, directeur de l'Institut de la médiation dans l'espace francophone (IMEF).
Hugo Sada, ancien diplomate
Éric Blanchot, directeur général de Promediation
Christian Connan, ancien ambassadeur
Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre des Affaires étrangères de Mauritanie et ancien représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest





Lien vers l'article du Figaro

15 novembre 2022